Dans l’atelier d’Emmanuelle Briat

Un vendredi de février, Emmanuelle Briat, sculptrice et land-artiste, m’a reçue dans sa maison de Landerneau pour évoquer son travail et son parcours atypique. Après m’avoir montré son atelier, rempli de bois brut ou travaillé et de végétaux séchés, elle m’a expliqué, une tasse de café entre les mains pour contrer cette venteuse journée d’hiver, comment elle était devenue artiste .

Emmanuelle a passé son enfance en Afrique, au Libéria jusqu’à la fin de l’école primaire. Cette période, synonyme de liberté et de jeux dans une nature luxuriante et vierge, l’a profondément marquée. Elle se souvient avec un sourire qu’elle trouvait des coquillages magnifiques sur le rivage. C’était aussi une période de grande ouverture car elle était en contact avec des enfants d’origines très variées. L’arrivée en France, pour l’entrée en sixième, a été un choc pour la fillette qu’elle était encore.

Après le bac, Emmanuelle désirait faire les Beaux-Arts, mais sa famille a préféré qu’elle choisisse une autre voie. Elle a passé trois ans à l’université, où elle n’a pas approfondi son cursus, mais où elle a eu l’opportunité de mettre en place différentes actions. Elle a notamment fait des collectes de livres pour les envoyer en Afrique. Bien que tout le monde ait prédit qu’elle n’y arriverait pas, elle a su obtenir un transport gratuit en conteneur et pu faire acheminer ce qu’elle avait recueilli. Via l’association dont elle était présidente, elle a aussi organisé divers évènements, créé des scénographies. Ces premières expériences lui ont prouvé, s’il en était besoin, qu’elle était capable de mener à bien des projets et lui ont permis de reprendre contact avec l’Afrique.

A l’issue de ses études, après diverses expériences, elle est partie travailler à Brighton auprès d’un fleuriste qui l’a initiée aux fleurs, et plus largement, aux plantes. Puis, elle est devenue responsable de décoration florale évènementielle au Cameroun. Avec son équipe, elle était chargée de fleurir les ambassades, la présidence, etc. Elle est restée là-bas durant deux ans, et a appris la flore exotique. Faire des bouquets étant un peu trop simple à son goût, elle saisissait toutes les occasions de faire des installations, qu’elle mettait en place, de manière intuitive. C’est là qu’une galerie d’art contemporain – Doualart – a repéré son travail et lui a proposé de faire une exposition. Elle y a réalisé sa première scénographie végétale, dans un cadre purement artistique – « Fleurs d’eau, fleurs d’air, fleurs d’espace« . Elle souhaitait montrer aux Camerounais à quel point leur flore était riche.

A l’issue de ces deux années en Afrique, elle est revenue en France. A Paris, elle a travaillé comme décoratrice florale chez l’un des plus anciens fleuristes de la capitale. En parallèle, elle travaillait dans une association où elle faisait des mises en scènes et des scénographies. Fidèle à la décoration florale, elle trouvait toujours des opportunités pour exprimer autrement sa sensibilité.

En 2013, conseillée par une amie, Emmanuelle a décidé de devenir artiste plasticienne à part entière et s’est inscrite à la Maison des Artistes.

Le processus créatif

Emmanuelle se définit comme plasticienne, land-artiste, sculptrice. Elle se voit comme une artiste pluri-disciplinaire qui aime aussi associer à ses créations d’autres artistes – chorégraphes, musiciens, poètes – ou des scientifiques spécialistes de la nature.

Quand une exposition est prévue, elle commence à travailler dessus un mois avant. Une grande partie du travail se fait ensuite in situ, avec les matériaux à sa disposition. Parfois, les organisateurs lui transmettent des photos, ou bien elle va en repérage, mais c’est rare. Quand elle arrive sur place, elle n’a avec elle que ses outils, de la ficelle et du fil de fer pour fixer les structures. Elle va donc collecter les végétaux sur place. Il y a une part d’improvisation, même si elle sait quelles plantes poussent dans la région : noisetiers, clématites, etc… C’est un défi car elle n’a que quelques jours pour réaliser son installation. Le land-art n’est pas forcément éphémère. Elle travaille parfois avec des pavés, de la paille pour faire du pisé par exemple. Parfois, elle fait aussi du land-art paysager, c’est à dire pérenne. Là, elle demande que lui soient fournies les plantes dont elle a besoin.

Vivre de son art

Interrogée sur la rémunération perçue pour les appels à projets, Emmanuelle m’explique qu’il existe des barèmes. Par exemple, pour une installation, elle touche environ 1500€, auxquels s’ajoutent les frais de déplacement et d’hébergement. Pour les expositions, c’est différent. Parfois les artistes ne sont pas payés. Si cela peut se comprendre pour un peintre par exemple, qui peut vendre ses œuvres et ramener chez lui celles qu’il n’a pas vendues, dans le cas du land-art, impossible de rapporter son installation à la fin de l’exposition! Désormais, Emmanuelle refuse de participer à des évènements qui ne sont pas rémunérés. Parfois, on lui demande d’établir un devis.

Elle diffuse son travail via les réseaux sociaux, qui sont, à ses yeux, un excellent moyen de se faire connaitre. Elle a obtenu plusieurs propositions de cette façon. Pour démarcher les galeries et les lieux d’exposition, elle sélectionne ceux qui correspondent à son travail et envoie son book. Elle répond aussi à un certain nombre d’appels à projets.

Emmanuelle anime également des ateliers avec les enfants, qui sont souvent très heureux d’être dehors, dans la nature, pour créer avec ce qui est à leur disposition : bois, feuillages, mousses. Elle reconnait l’importance de la transmission, mais privilégie les expositions et les projets. Les spectateurs qui découvrent sont travail expriment souvent de la surprise, du bien-être et apprécient l’aspect poétique de ce type de création.

Pendant plusieurs années, Emmanuelle a aussi organisé un évènement annuel : « Land Art au Kergoat », à côté de Landerneau. L’objectif était de permettre à tous de créer et d’inviter des artistes professionnels, mais aussi des enfants, des associations, des adultes, des handicapés. La fréquentation était importante. C’était très dynamique et vivant, mais cela demandait aussi beaucoup d’énergie et d’investissement. Elle a donc fini par y mettre fin.

Dans le futur, Emmanuelle Briat aimerait travailler dans des lieux urbains ou naturels, et collaborer avec des architectes.

Le lieu où Emmanuelle stocke une grande partie de ses matériaux

Pour en savoir plus sur Emmanuelle Briat et son travail, vous pouvez visiter son site ou son profil Facebook. Elle possède aussi un compte sur Instagram. Et ci-dessous, un film de France 3 qui montre Emmanuelle en action!

Un grand merci à toi, Emmanuelle, pour ton accueil et le temps que tu as bien voulu me consacrer!

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2 Commentaires

  1. Très intéressant; j’irai voir son IG. Je trouve super qu’il ne faut pas forcément passer par la case « beaux-arts » pour être artiste. Après, je pense qu’il faut quand même une certaine sensibilité pour pouvoir en vivre. Merci pour le partage.

    1. Oui, et les Beaux Arts formatent aussi les artistes, d’une certaine façon. Pour en vivre, il faut être débrouillarde, inventive, explorer beaucoup de pistes…

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