La face cachée du métier d’artiste peintre
Comme beaucoup de métiers, celui d’artiste peintre n’est souvent connu du grand public que de manière superficielle, par sa face la plus visible : l’exposition. Et même si les réseaux sociaux aujourd’hui contribuent à en dévoiler davantage la face cachée, c’est à dire les étapes du processus créatifs, mais aussi toutes les activités et tâches annexes, il n’en demeure pas moins que peu de gens savent vraiment de quoi sont faites nos journées, à nous, les artistes.
C’est ma participation à une exposition collective qui m’a donné l’idée de cette vidéo. Une exposition – particulièrement le moment du vernissage – est une bonne occasion, en effet, de recueillir du feedback sur son travail et de voir si les gens sont intéressés, s’ils posent des questions, leur perception de la toile, etc…
Lors du vernissage à Plougonven, une remarque – qui ne m’a pas été faite directement mais que j’ai perçue – était que mes toiles étaient chères.
Alors oui, je peux comprendre que pour certaines bourses, ce soit cher. Et acheter de l’art, ce n’est pas acheter une botte de poireaux, ni même un livre. C’est un produit de luxe. C’est un plaisir que l’on se fait à soi-même, quelques fois dans la vie, pas tous les jours.

Ce que j’aimerais expliquer à cette personne, c’est que la toile n’est que la partie émergée de l’iceberg, c’est à dire la partie visible du travail de l’artiste. Derrière, il y a d’autres tâches de différentes sortes qui sont accomplies et qui sont “invisibles” mais bien réelles pourtant!
Expérience et apprentissage
Derrière une toile exposée, il y a souvent des années de travail, et d’acquisition d’expérience. La créativité, ça n’est jamais acquis une fois pour toutes. Une fois que l’on a décidé de se lancer, ou de céder à sa passion, on est immergé là-dedans, on peut y penser jour et nuit, et parfois se lever très tôt ou ne pas aller se coucher, parce que l’on a une idée en tête et qu’on doit la faire sortir dans l’instant.
Une artiste passe aussi du temps à se former, et ces cours, elle les paie de sa poche. Elle n’a pas un employeur qui fait cela à sa place. Depuis que j’ai commencé à peindre, j’ai pris plusieurs cours, pour un montant de près de 3000 €. Voilà la réalité des choses…
Etat d’esprit
Quand on est artiste, on est seule dans son atelier. Personne ne vient nous dire de nous lever le matin, et encore moins ce que l’on a à faire. On a une liberté totale, et cette liberté on peut la dilapider ou l’utiliser de la façon la plus profitable pour soi selon notre état d’esprit. Si on n’a pas résolu certains problèmes tels que le manque de confiance en soi, les croyances limitantes, la tendance au perfectionnisme, le doute, le syndrome de l’imposteur, on peut vite se perdre dans cette liberté et passer son temps à tourner en rond.
On doit aussi apprendre à s’organiser, à gérer son temps. S’écouter pour savoir de quelle manière on a envie de travailler et quand c’est le meilleur moment pour soi. Est-ce qu’on est du matin, du soir? Est-ce qu’on travaille par cycles ou bien sur un semestre? Est-ce qu’on choisit un médium particulier ou pas? Bref, autant de questions auxquelles il va falloir trouver des réponses par soi-même.
Cela peut impliquer de lire énormément d’ouvrages, de consulter un psy ou un coach, et d’avoir une pratique régulière d’interrogation et de remise en question pour détecter rapidement quelque chose qui ne va pas, et trouver les solutions.
Technologie
J’ai croisé un certain nombres d’artistes – souvent des femmes – qui redoutent tellement le contact avec l’ordinateur et internet qu’elles fuient toute tentative. Pas d’adresse mail, pas de site, et parfois confusion entre ce qu’est un site, une page Facebook, etc… Pourtant, l’artiste aujourd’hui, si elle veut être visible, peut difficilement se passer de la technologie.
Alors dans ce domaine, il faut tout apprendre (à moins d’avoir les moyens de sous-traiter) : c’est à dire créer son site, et l’entretenir, alimenter un blog éventuellement. Ça, c’est la base. Il faut aussi savoir se servir des réseaux sociaux éventuellement. D’une plateforme pour mettre des cours en ligne ou proposer des webinaires si on le désire. Il faut aussi apprendre à se servir d’un appareil photo digital, pour photographier son travail, et pouvoir le partager. On peut apprendre à utiliser une caméra, pour se filmer et apprendre à monter des films pour YouTube, ou pour ses cours en ligne. Il faut aussi apprendre à créer des affiches, des flyers, des miniatures pour YouTube.
Si on veut aller plus loin, on peut aussi apprendre le SEO, ou bien à coder.
On peut apprendre aussi à se servir d’une application de mailing, pour recueillir des adresses et envoyer des newsletters.
Tout ce savoir et sa mise en œuvre sont extrêmement chronophage. On parle là de plusieurs heures de travail dans la semaine uniquement consacré à ces tâches.
Communication et relationnel
En vrac, et dans le désordre, il faut :
- répondre aux mails
- contacter des galeries ou des lieux d’expos
- discuter avec d’éventuels clients
- assurer les vernissages
- être capable de parler de sa démarche, de sa technique
- alimenter des réseaux sociaux
- répondre aux commentaires sur le blog, sur les vidéos, etc…
- vendre son travail en ligne
- faire visiter son atelier ou organiser des portes ouvertes
Organisation et logistique
Comme je l’ai dit, personne ne va faire le travail à notre place. Donc à nous d’établir des priorités, de choisir le ou les projets sur lequel on veut travailler, d’organiser notre temps sur une semaine, un mois, un trimestre, de planifier les évènements, etc…
A nous aussi d’emballer et d’expédier les toiles vendues en ligne, et mine de rien cela prend du temps : s’approvisionner en cartons/papier bulle, emballer la toile, aller à la poste, envoyer le lien de suivi au client…
Faire encadrer ses toiles, ou les faire photographier si on veut créer des posters par exemple.
Créer le contenu des cours, stages, webinaires.
Aller déposer les affiches que l’on a crées, et fait imprimer, dans divers endroits. Ne pas oublier d’emporter son scotch!
Si on propose des stages dans un lieu physique, il faut s’assurer que c’est propre, rangé, chauffé, approvisionné en matériel, en boissons, etc.
J’ai sans doute oublié certaines choses (comme traduire ses vidéos en anglais par exemple…), mais je pense qu’avec ces informations vous voyez un peu mieux le véritable prix d’une toile, en temps passé, en expérience acquise et en efforts.
Pour conclure
C’est vrai que l’on fait un travail formidable et que la création, en elle-même, est déjà une forme de rétribution par le plaisir que l’on y prend, mais les artistes ne sont pas pour autant capables de vivre d’amour et d’eau fraîche citronnée.
Aussi, la prochaine fois que vous trouverez qu’une œuvre d’art est chère, pensez à ce travail invisible, rarement directement rétribué (sauf pour les cours, stages, etc) et restez conscient qu’une toile n’est pas juste une toile, mais un petit morceau de notre cœur et un concentré de toute l’énergie que l’on a mise dedans.
Pour découvrir le programme des stages à Botbihan, c’est ICI.
Et pour savoir ce qu’il va se passer dans la capsule de création temporelle d’Art/System, c’est par LA!
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