Comment être une artiste authentique?

On parle beaucoup, dans les cercles créatifs, d’être vraie, sincère, authentique. Etre une artiste authentique, ça parait évident, mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

D’abord on se protège : des regards, des commentaires, et de tout ce qui pourrait nous blesser.

Ensuite, on évite de se frotter à tout ce qui pourrait déclencher de la gêne, de la honte, ou de la culpabilité. Mais en faisant cela, en évitant ces dangers, on a vite fait d’endosser une apparence et une personnalité qui ne sont pas vraiment les nôtres. On laisse notre être social prendre le dessus. Celle (ou celui) qu’on est vraiment n’a plus très souvent le droit de s’exprimer.

La création ne s’accorde pas avec la superficialité

C’est problématique, surtout si on a, par ailleurs, une activité créative que l’on veut mener un peu plus loin que le passe-temps. Parce que la création, c’est quelque chose qui vient du plus profond de soi. On a des choses à exprimer, et ces choses nous touchent profondément, irrémédiablement, et on a envie de les laisser sortir.

Oui, mais que se passe-t-il quand notre filtre intérieur se met en route? Tu ne vas pas écrire ça, ta mère ne s’en remettrait pas. Tu ne peux pas peindre des vulves, qu’est-ce que les gens vont penser? Quoi, raconter tes expériences amoureuses? Tu es folle, tu vas être submergée d’injures et de commentaires haineux!

Bref, vous voyez le topo : dès que les sujets dépassent les fleurs et les petits oiseaux, une alarme intérieure se met à hurler : danger, danger, danger. Alors comment être authentique, soi-même, sincère quand tout le cockpit résonne de multiples signaux d’alerte?

Aujourd’hui, j’aimerais avoir recours à un livre sur l’écriture pour vous donner des pistes pour dépasser cette peur fondamentale et vous aider à être vous-même, sans honte, sans culpabilité et sans vous sentir obligée de vous excuser toutes les trois minutes.

Il s’agit de “Writing down the bones”, de Natalie Golberg.

Si vous aimez écrire, lisez-le, il est vraiment passionnant, et il ouvre des portes à qui veut s’exprimer par les mots. “Pourquoi écrire va vous rendre heureux” en francais

(en passant, quelqu’un sait pourquoi l’éditeur français a choisi ce titre à la guimauve qui ne résume pas du tout l’esprit du titre initial?)

La version française

L’écriture seulement ne suffit pas

Ce qui pourrait se traduire aussi par : “peindre seulement ne suffit pas”.

Et j’ajouterais : copier le réel ne suffit pas. Pour être dans une forme vraie de création, il ne faut pas se contenter de copier ce que l’on voit. Il faut l’interpréter, le faire passer dans ses filtres intérieurs et en extraire tout le suc. C’est par exemple non pas copier le paysage mais se demander quel effet tel paysage a sur moi. Qu’est-ce que je ressens? Qu’est-ce que ça m’inspire? Comment je le vois? Chercher à comprendre sa propre vision des choses. Ne pas représenter la fleur, mais son essence, son parfum, et tout son pouvoir…

Pour faire cela, il faut bien faire la distinction la création et la correction. Entre l’écriture et l’édition. Entre la peinture et la critique de la peinture. Si on amalgame les deux, et qu’on cherche à faire les deux en même temps, alors les filtres jouent à plein et empêchent d’être totalement dans la création, sans barrière, sans censure.

Quelques guides

Pour écrire de manière plus authentique, Natalie Goldberg donne quelques guides qui peuvent très bien s’adapter à la peinture.

Fixe-toi un temps donné

Décider d’un temps donné pendant lequel tu vas laisser sortir tout ce que tu as en toi à ce moment là. Qu’il s’agisse d’écrire, de dessiner, de peindre. Cela va contribuer à calmer le critique intérieur qui saura que le “grand n’importe quoi” qu’il redoute tant ne va durer que vingt minutes ou une heure.

Ne t’arrête pas

Si tu écris, le stylo ne doit pas quitter le papier, et ne pas cesser d’être en mouvement. Tu ne sais pas quoi écrire, alors écris : je ne sais pas quoi écrire, jusqu’à ce que quelque chose émerge (et si tu as des doutes, relis les premiers livres de Christine Angot…). Pareil avec la peinture ou le dessins : prends un pinceau, une spatule, tes doigts, n’importe quoi et mets toi au travail. Ne réfléchis pas, trace! Mets de la musique et suis le rythme, écoute un podcast et écris quelques mots. Tout peut être utile pour commencer…

Ignore les règles

De la même manière que tu peux laisser tomber les préoccupations de grammaire, et d’orthographe si tu écris, tu ne vas pas te soucier de valeurs, de composition, de design si tu peins. Laisse venir. Perds le contrôle, amuse-toi, lâche prise comme si tu avais quatre ans et qu’une machine à remonter le temps t’avais permis de revenir en classe de maternelle. Trempe les doigts dans la peinture, fais)toi des peintures de guerre sur les joues et amuse-toi!

N’efface pas

Même si quelque chose ne te plait pas, laisse-le. Ne cherche pas à le recouvrir, parce que ce serait déjà être dans l’édition, dans la correction.

Ne pense pas

Ton mental est ainsi fait qu’une pensée en amène une autre, et puis une autre, et en quelques millisecondes, tu voilà prise dans un vortex mental qui inhibe toutes tes actions. Là, il s’agit de rester aux premières pensées : tiens, si je faisais telle marque? Et si j’écrivais mon rêve de cette nuit? Ne cherche pas à être logique, rationnelle.

Cherche à saisir ces idées qui surgissent comme des flashs, et que bien souvent tu censures parce l’ego décrète que “c’est ridicule”. Or, l’ego n’aime pas être ridicule. L’ego veut que tu fasses tout ce qui est possible pour assurer la perfection, en permanence. Alors autorise-toi les pensées ridicules, incorrectes, bizarres, décalées, saugrenues, sauvages…

Va à la jugulaire

Autrement dit, si quelque chose est douloureux, ou dérangeant, il s’agit de ne pas se laisser arrêter mais d’aller vers cela justement. Car c’est par là que se trouve la vraie énergie créatrice. Disons par exemple que tu n’aimes pas ton visage, eh bien peins-le, fais une série d’auto-portraits, et confronte-toi à tout ce qui peut surgir à ce moment là, tous ces jugements (c’est narcissique de se prendre comme modèle, mon nez ressemble à une patate, je suis vieille et j’ai l’air fatigué, etc, etc…).

Conclusion

Je n’ai abordé là que quelques conseils que Natalie Goldberg donne dans son ouvrage. Parce que faire un résumé complet serait vraiment trop long et puis je dois aller promener mes chiens. Si tu as l’occasion, si tous ces sujets t’intéressent ,que tu sois plutôt écriture, ou plutôt peinture, ou simplement création, lis-le car il renferme une mine de réflexions et d’idées toutes plus intéressantes les unes que les autres. Et quel que soit le domaine qui te passionne, cela te donnera du grain à moudre et te laissera entrevoir une manière de créer que tu n’avais peut-être jamais envisagée.

Pour voir une interview de Natalie Goldberg. (in English)

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5 Commentaires

  1. Très bel article sur un livre très intéressant que j’ai lu voilà… quelques dizaines d’années 😅
    Juste une petite coquille : qd tu cites le livre la première fois tu as mis Goldman au lieu de Goldberg.
    Bonne continuation à ton blog !

  2. Ah voilà bien mon grand dilemme… Depuis que j’écris pour les autres, je n’écris plus pour moi… ça me manque, mais je ne prends pas le temps, et surtout, je préfère faire autre chose (promener les chiens que je n’ai pas !) plutôt que pratiquer une activité qui ressemble autant à ma vie pro…

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