La peste

Bonjour amie lectrice, ami lecteur,

comme tu le sais peut-être, chaque matin, j’écris quelques pages, ainsi que le recommande Julia Cameron dans son ouvrage sur la créativité. Je le faisais bien avant de lire son livre, cela fait partie de ma respiration quotidienne. Je sors du lit, me prépare un thé et hop, je m’assois devant la page blanche, stylo en main. Je ne sais jamais vraiment ce qui va sortir. Parfois, je doute même que quelque chose puisse sortir, mais curieusement, j’écris rarement moins de trois pages…

Ce matin, durant cet exercice, qui est au mental ce que le jogging matinal est au corps, j’ai pris conscience que j’héberge une Peste. Oui, une sale petite peste! Elle m’empoisonne la vie depuis je ne sais pas combien de temps. Elle n’est jamais contente. Mais crois-tu qu’elle fasse quelque chose pour l’être davantage? Sûrement pas! Elle reste dans son fauteuil, avec un bouquin et un thé, et attend que ça se passe. Enfin non, pas exactement. Elle se fait un malin plaisir de semer le doute en moi. Elle adore aussi auto-saboter tout ce que j’entreprends.

Tu veux un exemple? Eh bien, depuis quelques mois, je veux perdre du poids. Je m’efforce de manger mieux, et moins. Et de faire davantage de sport. Mais dès que la balance indique une baisse, la Peste surgit. Elle me susurre à l’oreille : allez, tiens, un petit chocolat, tu l’as bien mérité! Mais si, mais si, reprends un morceau de gâteau. Tu as fait des efforts, tu peux bien t’accorder un petit répit.

Ou bien elle se fâche : quoi? Un bol de soupe et une tranche de pain, c’est ton repas du soir? Mais je vais avoir faim toute la nuit, moi! Déjà que je dors mal, si en plus tu me mets en situation de famine nocturne, ça ne risque pas de s’arranger! Et ainsi, les semaines passant, tous mes efforts sont mis à mal par les agissements de la Peste. Du lundi au vendredi, je perds du poids. Et le week-end, je reprends tout! Ce qui fait que je suis tout le temps en train de faire attention, et que jamais je n’en vois vraiment les résultats. Qui ne serait pas découragé à ce rythme?

Dans le travail, c’est pareil. La peste ne lève pas le petit doigt mais dès que je termine quelque chose, elle fait la moue. Elle jette un œil distrait, moui, dit-elle visiblement insatisfaite.

-Quoi?

-Rien, mais bon, tu ne crois pas que tu pourrais faire MIEUX?

-Comment ça?

-J’en sais rien moi, c’est toi l’artiste!

Et elle me plante là, et retourne à son fauteuil. Elle me laisse avec mes doutes, et tout d’un coup, la peinture qui me plaisait bien ne me plait plus. Je me demande même si je ne vais pas la déchirer. Ou la brûler. (En général, rassure-toi, je n’en arrive quand même pas à ces extrémités. Je me contente de mettre la peinture de côté, pour le regarder plus objectivement, plus tard.)

Tu comprends, amie lectrice, ami lecteur, que la cohabitation est devenue intolérable. J’ai envie de mettre cette petite arrogante dehors, avec toutes ses valises et son sourire en coin. Et ce matin, pendant que j’écrivais, je me suis dit : mais qu’est-ce qui m’en empêche? Rien… cette peste n’est que l’émanation de pensées que je ne veux plus cultiver, parce qu’elles sont contre-productives. Elles sapent mes efforts, sèment le doute, me conduisent à redouter le changement, ou la difficulté. Et j’en ai assez!

Ma Peste, je la vois un peu comme ça…
Photo de Atikh Bana sur Unsplash

La Peste, ce n’est pas moi. C’est juste un agrégat d’habitudes négatives et de pensées délétères, une émanation transgénique coagulée par l’éducation. Elle a peut-être eu une utilité, à un moment de ma vie, mais aujourd’hui, je ne la supporte plus. Ses insinuations, ses critiques, sa manière de lancer des vacheries, sans avoir l’air d’y toucher, sa façon de me tirer vers le bas, vers la facilité et le confort : non, vraiment, ça n’est plus possible! Elle est prête à me faire endurer le médiocrité la plus crasse parce qu’elle redoute par dessus tout la prise de risque et le changement. La Peste veut que tout reste pareil, comme ça elle peut continuer à bouquiner tranquille en sirotant son thé…

Donc, je la mets dehors. Ma décision est prise. Avec un effet immédiat! Je sais bien que la Peste va s’accrocher comme une tique, rentrer par la fenêtre si je la fais sortir par la porte, même si elle doit pour ça s’arracher les ongles sur le crépi du mur. Allez, ouste, dehors. Prends tes cliques et tes claques, et va assommer quelqu’un d’autre! Moi, je t’ai assez vue!

Aujourd’hui, la Peste est sans domicile fixe, et je me reconnecte à mon vrai “moi”!

Et vous, quel genre d’énergumène hébergez-vous, dont vous aimeriez vous défaire?

(image d’en tête : Photo de Max Muselmann sur Unsplash)

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4 Commentaires

  1. Je parlais récemment en d autres termes de cette dualité intérieure, une permanence entre instinct et raison, entre prise de risque et sécurité, entre besoin de confort et retour à une vie plus naturelle, … En résumant, peut être un combat régulier entre cerveau gauche et cerveau droit, que notre culture nous fait désigner aussi comme le bien et le mal.
    Nous serions à la fois un sage et un diable, ce serait juste le dosage qui nous fait être qui nous sommes, à l instant.
    Je ne pense pas chère Gwenaëlle que tu arriveras à chasser ta Peste, mais je souhaite que tu la réduises à sa plus simple expression. Qui sait si dans certaines phases de ta vie future, tu n auras pas besoin qu’elle se réveille et résonne en toi.

    1. Ma vision des choses est plus large et ne se limite pas au bon d’un côté, au mauvais de l’autre. Je crois qu’on héberge plusieurs facettes, modelées par notre éducation et nos expériences. Mais ce ne sont que des satellites, autour d’un self qui lui est complet, entier, juste, équilibré, bienveillant, centré. Et c’est à ce self qu’il faut pouvoir accéder pour être vraiment soi-même. La Peste, ou toute autre facette, n’est que la manifestation d’une peur, d’un traumatisme, de quelque chose qui a besoin d’être soigné, réparé. Elle est un symptôme, pas la manifestation du Malin! 😂

  2. Oh là là comme je me retrouve dans tes mots ! Mais pas certaine de savoir l’exprimer aussi bien. J’adore te lire ! Et tu t’es mise à ce que je ne fais jamais alors que je sais que cela serait bien pour moi : écrire le matin. Mais je n’y arrive pas, d’une part parce que j’écris déjà pas mal pour d’autres et que ça use mon envie du clavier (ou du stylo) et ensuite parce que je suis toujours speed et crevée et rien qu’à l’idée de me lever une heure plus tôt, je m’épuise… Un jour peut-être, quand j’aurai plus de temps…
    Sinon, j’ai la même peste à la maison, on peut les chasser ensemble et s’entre-aider ! Je combats la mienne avec un psy en ce moment, mais c’est dur (et ça coûte cher). Je pense qu’il est très difficile de s’en débarrasser complètement… Pour le poids, même problème et même constat, mais on a pris le taureau par les cornes avec mon homme : weight watcher, ça nous aide bien, même si je râle parce qu’il maigrit 3 fois plus vite que moi… Si ça te tente, je peux te sponsoriser 😉 et on s’entraidera pour ne pas craquer. Je l’ai déjà fait et c’est vraiment efficace, en te laissant justement grignoter ton carré de chocolat qui te fait tant envie. Le tout est d’équilibrer. On peut en reparler quand tu veux.
    Sinon, bravo pour le titre accrocheur et pour la photo : impossible de ne pas lire ton article ce matin, même si je suis à la bourre !
    🧡

    1. L’écriture du matin peut aider. Mais une balade dans la nature sans “bruit” autre que celui de ses pensées aussi… Il y a plein de moyens de se faire du bien, et ce qui convient à l’une n’est pas forcément pour l’autre. Pour s’entraider, oui, pas de problème! Pour le poids, pas trop envie de suivre une méthode. Je voudrais juste changer mes habitudes… J’y arriverai un jour, j’y arriverai! 😄

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