Embrasser son imperfection
Bonjour à vous!
Et bienvenue dans Art/Dim, le brunch créatif et dominical des artistes!
Dans notre dernier épisode de podcast, Sabina et moi évoquons les habitudes des artistes, qu’elles concernent leur vie ou la pratique de leur art.
La question de nos habitudes et de l’effet qu’elles ont sur nos vies est importante, car elles contribuent à forger notre identité. Et assez rapidement, on peut se ranger dans des cases : je suis casanière/j’ai besoin de trois repas par jour/je ne supporte pas le désordre/je ne sors jamais s’il pleut/je lis toujours avant de dormir… C’est le revers des habitudes, qui peuvent nous aider à changer notre quotidien, mais aussi nous y enfermer. Tant que l’on n’a pas essayé de se passer de petit-déjeuner, on peut en effet penser que l’on DOIT prendre trois repas par jour, et que l’on risque l’évanouissement si on ne le fait pas.
L’optimisation appliquée aux humains
Ce qui me dérange un peu – beaucoup – dans les discours actuels sur toutes ces questions qui touchent au développement personnel, c’est que l’on est toujours incité à les mettre en place pour optimiser notre vie, atteindre des buts mirobolants, réaliser des projets fous et gagner de l’argent comme des millionnaires. Très rarement, voire jamais, ces changements sont présentés comme la voie pour vivre une vie de meilleure qualité, plus calme et plus sereine, débarrassée de toutes les pollutions que la vie moderne nous inflige.
Si internet nous a permis de simplifier énormément de nombreux actes et démarches de notre vie quotidienne, il a aussi contribué à créer des habitudes qui ne nous servent pas : consulter son téléphone portable des dizaines de fois par jour : 26 pour le Français moyen, et le double pour le jeune Français… (Pour d’autres études, c’est plus de 200 fois par jour.) Et entre trois et cinq heures à regarder l’écran du téléphone… C’est énorme! C’est une très mauvaise habitude. Et on ne semble pas prendre le chemin de la perdre…
Avec Internet, le temps s’est encore accéléré. Comme on le dit dans le podcast, autrefois, c’est à dire au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème, les artistes passaient beaucoup de temps à lire et rédiger leur correspondance (ce qui nous a d’ailleurs permis de garder une trace de leur vie à côté de leur œuvres). Leur vie sociale était beaucoup plus développée que la nôtre, grâce aux salons, aux sorties (au théâtre, à l’opéra), aux expositions, aux vernissages, mais aussi aux cafés, restaurants et guinguettes, où tout le monde se retrouvait le dimanche.
Effets pervers et dangereux
Aujourd’hui, nous sommes nombreux à ressentir les effets pervers de tous ces changements, et c’est peut-être l’occasion de mettre en place des habitudes nouvelles et de se débarrasser de celles qui nous nuisent. Contrairement aux gourous de tout poil, je ne crois pas que nos vies doivent sans cesse être optimisées, calculées à la minute près, et notre temps rempli de tout un tas d’activités prouvant notre désir d’être au top et d’y rester. Je crois que nous avons besoin d’abord de beaucoup plus de temps pour nous, pour ne rien faire, pour regarder ce qui se passe autour de nous, ou simplement discuter. Je ne peux vous dire la tristesse que je ressens quand, passant aux abords d’un café, je vois des couples qui ne parlent pas, chacun préférant consulter l’écran de son portable.
Je crois que parmi les habitudes à changer, il faut d’abord se défaire de tous ces besoins technologiques fabriqués par le progrès : consulter ses mails dès qu’ils arrivent, répondre dans la minute aux messages, partager chaque jour des images de sa vie, donner à voir l’intime et le privé, optimiser ses trajets, sa forme, son assiette… Ce n’est pas facile. Je me surprends moi-même parfois pendant une balade à me dire, tiens, ce paysage photographié dans cette lumière, ce serait parfait sur Instagram. Avant de me rappeler que je n’ai pas emmené mon téléphone, à dessein, pour ne pas être tentée de faire cela justement!
Carpe Diem

On parle de réalité augmentée, et j’ai l’impression que certains aimeraient aussi nous augmenter, nous, humains. Mais répondre à cette injonction, c’est entrer dans un cycle infernal et sans fin, où l’on s’épuise sans cesse à faire mieux, et encore mieux, et toujours mieux. Au lieu de profiter de la vie, et de l’instant. Plus que jamais, il faut réhabiliter cette maxime : carpe diem. Cueille le jour! Et s’il faut mettre un rappel sur son portable, c’est celui-là!
Pour moi, cette discussion à propos des habitudes est une bonne piqûre de rappel pour interroger les miennes, celles qui me sont agréables et celles qui me sont néfastes. Je ressens profondément le besoin de me débarrasser de tout ce qui fragmente mon attention, de tout ce qui me distrait alors que je ne le souhaite pas. Et vous? Que désirez-vous changer dans votre quotidien? Quelles habitudes vous paraissent bénéfiques, ou néfastes?
Rompre les digues
C’est devenu un plaisir rare de découvrir une autrice (ou un auteur) que je ne connais pas encore et d’aimer sa plume au point d’avoir envie de lire d’autres ouvrages. Cela m’est récemment arrivé quand j’ai ouvert “Rompre les digues” d’Emmanuelle Pirotte. Dans ce roman, l’autrice provoque un choc des cultures. D’un côté Renaud, rentier blasé qui fuit son ennui grâce aux drogues, à l’alcool et tout ce qui peut enivrer ses sens. De l’autre, Teodora, jeune Salvadorienne émigrée en Europe et qui traine derrière elle un très lourd passé. Entre ces deux-là, une galerie de personnages savoureux : Brigitte, le saint-bernard des migrants, François, le décalé lunaire, Tarik, le dealer, et d’autres encore. Dans un univers très particulier, mais bien brossé, avec beaucoup d’humanité et d’humour, on voit ces personnages dont les trajectoires se croisent et entrent parfois en collision, comme notre vieil Occident essoufflé vient télescoper le reste du monde. Un beau roman, au style unique, et au charme puissant. Je n’en resterai pas là dans ma découverte, c’est certain!
Rompre les digues, Emmanuelle Pirotte, Philippe Rey

Wabi- Sabi
Durant le mois de juin, j’ai proposé à mon groupe Art/System sur Facebook de travailler sur la notion de wabi-sabi. C’est un concept de l’esthétique japonaise que je trouve très intéressant, car il dépasse le cadre de l’art pour imprégner toute la vie. Composé de deux notions, “wabi” la beauté dans la simplicité et “sabi”, le passage du temps, c’est au delà de l’esthétique, une véritable manière de vivre qui incite à revenir à l’essentiel, et à se débarrasser de l’idée d’atteindre un jour une forme de perfection. Vivent les objets ébréchés, culottés par l’usage, le lin froissé et le tissu devenu tout doux à force de lavage!
Il s’agit d’ouvrir son regard pour voir la beauté dans l’imperfection, dans ce que la nature nous offre, dans le clair-obscur de nos journées. Comme souvent, les Occidentaux s’empressent d’oublier la composante spirituelle pour s’emparer de cette nouvelle tendance déco… Mais rien ne nous oblige à faire de même. Durant ce mois de juin, on peut profiter des longues heures de jour pour faire plus attention à ce qui se passe en soi, à ses désirs profonds, et non ceux fabriqués par la société du toujours plus.

Et si vous désirez rejoindre le groupe pour travailler artisitiquement sur cette notion, il est encore temps. Pour en savoir plus sur le wabi-sabi, je vous conseille le livre de Leonard Koren, Wabi-sabi, à l’usage des artistes, designers, poètes et philosophes.
Quelques images de mon quotidien ces derniers jours



Le STAL café, plantations au jardin, et assiette complète carottes/betteraves/salade/kasha
La vie des piafs
Et ci-dessous, mes baigneurs préférés… Je ne me lasse pas de les espionner dans leurs ablutions… C’est amusant parce que, quand il n’y a plus d’eau dans les bassines, ils ont une manière de me le faire savoir, comme un appel, depuis le faîtage du toit… Eh, toi, l’humaine, la piscine est vide, tu peux pas faire quelque chose? Et le plus inquiétant étonnant, c’est que je comprends, intuitivement, qu’ils m’appellent!
Bonne semaine à vous!
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