#16 Bilan

Dimanche soir. Après le dîner, je me prépare une petite tasse de chocolat chaud, je mets une musique calme et je m’installe à mon bureau pour faire le bilan de la semaine et préparer la suivante. J’ai un cahier spécifique, à la jolie couverture bleu sombre, ornée de motifs qui rappellent la queue d’un paon. J’allume la lumière qui éclaire la surface de travail et je prends mon stylo-plume, celui qui écrit bleu ou noir, c’est selon. J’ouvre mon agenda et je regarde ce que j’ai fait. Je résume en quelques lignes le travail accompli, puis je passe au domaine personnel, et au relationnel. En général, le premier est très fourni, le reste un peu moins. 

Hier, je suis allée à Pont-Aven, visiter l’exposition sur Anna Bock, puis j’ai fait un tour à Port-Manech, sous le soleil. Visage offert au bleu du ciel, poumons ouverts sur le large. J’ai aussi découvert un lieu lilliputien qui fait restauration le midi et salon de thé. Il y avait une expo de dessins en noir et blanc sur les murs. Des mondes imaginaires qu’un architecte bâtit pour échapper à l’ennui de son métier. Je ne note pas tout ça, seulement quelques mots, mais je sais qu’il me suffira de relire ces lignes pour me rappeler du gâteau aux amandes et à l’orange, du calme de la petite terrasse extérieure, loin de la foule et des voitures. Pour revoir aussi l’émotion de la femme qui nous a servi quand elle a raconté un petit morceau de son histoire.

Mes semaines sont remplies de gros morceaux de travail – de la peinture, des vidéos, la préparation de divers projets -, de plus petits cailloux d’activités diverses : sport, marche, courses, ménage, balade du chien, cuisine, rangement, lessives, lecture – et d’un fin gravier qui passe souvent au travers des mailles de mes carnets et journaux : ces quelques minutes sur le banc à écouter, les yeux fermés, le chant des oiseaux et le bruit de la ville, l’envie fugace d’aller dans la mer quand, un après-midi de soleil, elle fait miroiter ses bleus et ses turquoises qui lèchent le sable jaune, le plaisir de s’enfoncer plus avant dans un roman bien ficelé et de laisser passer l’heure de dormir… 

Et je me dis que ce devrait être l’inverse. Mes carnets devraient être remplis du fin gravier qui fait la richesse des jours, de sa matière soyeuse et inénarrable. Mais pour cela, il faudrait que j’aille partout avec mon calepin et que je prenne le temps de noter. Cela voudrait dire moins de peinture, et moins de vidéos, et moins de projets. Mais plus de poésie, plus de lenteur et de contemplation. Parfois, cette vie-là me tente aussi, vraiment. 

A lire également

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.