Pour créer, il faut se hâter lentement…

Lorsque je me suis lancée dans la peinture professionnellement, je n’imaginais pas à quel point cette démarche allait aussi être une leçon de vie sans cesse renouvelée. Peu à peu, les similitudes entre la création et la vie m’ont littéralement fascinée, et c’est devenu la pierre angulaire de ma vision de l’art. Mais ce n’est pas exactement de cela dont je veux vous parler aujourd’hui.

S’il est une chose que j’ai apprise en peignant, c’est la patience. Je dois avouer que ça n’a jamais été mon point fort, la patience! Mes enfants en savent quelque chose et mon mari aussi… Me confronter à la création jour après jour m’a montré à quel point le conseil de « se hâter lentement » a conservé toute sa sagesse.

L’erreur des débutants

Quand j’ai réalisé mes premières toiles à la peinture acrylique – ce devait être en 2005/2006 – j’ai commis les erreurs de tous les débutants. J’ai d’abord tracé mon « sujet » au crayon et puis j’ai peint un fond et ensuite appliqué une couche de peinture , assortie de quelques retouches ici et là, pour réaliser les ombres, etc. Et j’ai cru que ma peinture était terminée! En réalité, je n’avais même pas commencé…

Plus tard, j’ai appris qu’il y avait grand intérêt à créer des fonds d’une autre manière, plus enrichie avec des collages, des marques. Je place en parallèle ma première acrylique avec une nature morte plus récente pour que vous puissiez constater la différence.

Pour découvrir comment enrichir vos fonds, je vous renvoie vers cette vidéo.

Ma pratique aujourd’hui

Depuis le début de ce mois de janvier, j’ai repris des toiles qui étaient en attente depuis longtemps. Avec les années, j’ai compris qu’une toile, c’est un travail de longue haleine. Depuis la création du fond, dans la spontanéité et le chaos, jusqu’à la résolution de la toile, les étapes sont nombreuses. Il ne sert à rien de vouloir se presser. C’est un peu comme si la peinture se réalisait à son rythme. Il faut savoir écouter, et attendre si besoin. C’est une question de disponibilité intérieure, mais aussi de matière, d’association entre différents éléments. Je pense que les écrivains, notamment, ressentent cela pour leurs personnages. Certains se dérobent parfois, d’autres évoluent d’une manière inattendue.

En peinture, c’est exactement la même chose. Et dans la vie aussi. Parfois, on a l’impression de « tenir » quelque chose, une bonne idée, une opportunité. Et puis les choses ne se font pas. Il n’y a pas vraiment d’explication : c’est juste que ça n’était pas le bon moment. Ou la bonne personne. Ou la bonne occasion…

L’exemple d’une peinture récente

La peinture ci-dessous a considérablement évolué. Les marques initiales ont presque totalement disparu, sauf dans le coin supérieur gauche. Et vous pouvez voir, à quelques heures de travail d’intervalle, toutes les différences entre la version de gauche et celle de droite, qui montre la toile terminée. Evidemment, plus j’approche de la fin, et plus les changements sont mineurs, de simples détails que j’ajoute ou enlève.

C’est amusant, parce que cette toile est assez éloignée de ce que j’ai fait jusqu’à maintenant, mais elle comporte aussi la synthèse d’éléments qui ont toujours figuré dans ma peinture, mais de manière plus discrète, presque anecdotique. Elle est dans le prolongement des toiles carrées ludiques que j’ai évoquées dans mon articles sur les petits formats.

La politique des petits pas

Alors si vous êtes vous même dans la peinture jusqu’au cou, ou si vous commencez, je souhaite par ces mots vous inciter à ralentir et à apprendre à écouter ce qui se passe sur la toile, pour la laisser se faire à son rythme. On vit dans un monde de vitesse et de précipitation, et il est difficile de ne pas céder à cette attente ou cette pression du « tout, tout de suite ». En réalité, bien souvent, derrière cette impatience se cache une peur. Elle peut avoir divers visages : peur de rater, peur de ne pas être assez productive, peur de ne pas maîtriser…

Si l’on pratique depuis longtemps, on s’aperçoit que la création incite à s’emparer du temps autrement. D’une manière plus vaste et plus souple. Parce qu’une fois de plus, il ne s’agit pas du résultat mais du processus, du chemin et de tout ce qu’il nous permet de découvrir et comprendre sur nous même, sur la relation que l’on entretient avec notre art. Il faut laisser à tous les éléments le temps d’infuser en nous.

Ce qui est le plus important pour moi, c’est la régularité. C’est à dire de reprendre mes toiles régulièrement, avec constance. Les regarder, les visiter du regard, prendre le temps de percevoir le prochain changement que je vais faire. Caresser la surface avec le plat de la main. Sentir les reliefs, les traces de collage…

En changeant son rapport au temps, on laisse à la toile la possibilité de se développer et mûrir. Cela peut prendre cinq, six sessions de peinture, parfois plus. En ayant quelques toiles toujours en cours (entre 5 et 10, ça me parait un bon chiffre), on peut ainsi avoir cette démarche de se pencher dessus régulièrement, en pratiquant la politique des petits changements, au fur et à mesure que l’on perçoit ce qui nous plait, ou pas, les zones qui doivent être retravaillées.

Un dernier conseil : ne surtout pas « forcer ». Il m’arrive très souvent de laisser une toile de côté parce que je ne sais pas comment la faire évoluer – mais je la garde sous les yeux. Ou bien d’ajouter seulement quelques touches ici ou là, puis de ne plus y toucher, parce que je ne sais pas dans quelle direction aller. J’ai confiance que la lumière se fera, lors d’une prochaine session.

Si ce thème de la patience et de l’impatience, dans la vie et dans l’art, résonne en vous, partagez dans les commentaires vos expériences et avis.

A très bientôt!

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